Delacroix, plagiaire ?

Eugène Delacroix (aussi attribué à Théodore Géricault), Portrait de Delacroix, peintre (vers 1816), musée des Beaux-Arts de Rouen.

Ce titre un peu provocateur cache toutes les subtilités de la création artistique, entre plagiat et originalité. L’exposition intitulée « Est-ce un Delacroix ? L’art de la copie » est prolongée au musée Delacroix jusqu’au 4 janvier 2026.

Une chance pour qui veut comprendre, tableaux à l’appui, ce que créer veut dire. Cette réflexion, proposée dans un parcours très pédagogique, porte sur l’art de la peinture. Mais elle peut être aisément transposée dans le domaine de la littérature.

Delacroix, « prête-pinceau »

En effet, un premier parcours présente Delacroix comme un peintre qui travaille pour le compte d’un autre. En littérature, on dirait « prête-plume ». Ainsi, le génie de la peinture romantique n’a pas signé certains tableaux de son nom mais de celui de son commanditaire, gagne-pain oblige. Qui est donc l’auteur ? Celui qui peint, Delacroix, ou celui pour lequel il travaille et dont il emprunte le style, abandonnant du même coup sa propre identité stylistique ? S’agit-il d’un faux ? non, puisque le signataire consent à ce travestissement de style dans son propre intérêt : faire passer pour son travail celui d’un autre qui s’efface à son profit. S’agit-il d’un plagiat ? non, puisque le peintre ne signe pas de son nom, laissant à l’autre la paternité de son œuvre.

Delacroix, copiste

Delacroix est-il plagiaire – deuxième cas de figure -, lorsqu’il imite Rubens ou Goya ? Non plus. Il pratique la copie dans la grande tradition de l’apprentissage par l’imitation. Troisième cas de figure : est-il lui-même plagié par Fantin-Latour ou autres admirateurs, lorsque ses tableaux sont reproduits avec la signature de ses imitateurs accompagnée, tout de même, de la mention « D’après Delacroix », qui lève toute ambiguïté. Peut-on alors considérer ces œuvres d’imitation comme originales ou trop peu marquées par l’empreinte de la personnalité de leurs auteurs ?

Tous ces cas de figures, ainsi présentés, permettent de mettre en évidence toutes les nuances de la création artistique : les frontières sont poreuses entre un tableau qui exprime toute l’originalité de l’artiste et un autre qui joue, de manière explicite ou implicite, avec ses modèles : l’imitateur peut être motivé par un simple intérêt lucratif, ou par une volonté de rendre hommage à un prédécesseur admiré. Ou bien encore est-il sous l’influence plus ou moins consciente d’un style emprunté.

Le génie de Delacroix

Mais quand l’emprunt se mue en une plus-value de l’œuvre imitée, une nouvelle œuvre, proprement originale, peut à son tour devenir un modèle… Ainsi en est-il du mystère de la création artistique, et littéraire.

« Comment percer les secrets du processus créatif d’Eugène Delacroix ?
Le musée Delacroix présente un nouvel accrochage permettant d’explorer les étapes de la création et de s’interroger sur le statut d’un tableau, d’un original, d’une copie ou d’une reproduction. » (Musée Delacroix)

Prolongation de l’exposition jusqu’au 4 janvier 2026 avec une nouvelle présentation des œuvres.

Retour en haut