
L’intelligence artificielle utilise des documents qu’elle recompose. Le pillage peut-il révéler une personnalité d’auteur ?
On a ainsi baptisé « art du prompt » la technique de requête qui consiste à poser les bonnes questions à l’IA afin d’en obtenir un résultat plus ou moins personnalisé.
Selon certains artistes, peintres, écrivains, peu importe de maîtriser les techniques des beaux-arts, de l’écriture ou de toute autre forme créative. Tout « l’art » consiste à savoir interroger le robot, à reformuler la requête, à préciser par étapes successives les attentes de « l’artiste ». Ainsi, les matériaux utilisés, protégés ou non par le droit d’auteur, sont suffisamment retravaillés pour s’apparenter à une oeuvre personnelle.
Des exemples permettent de mieux comprendre cette utilisation créative de l’intelligence artificielle. Ainsi, celui de Jason Allen, « artiste numérique » dont le prix a suscité quelque émoi. Un article du Monde par Selma Chougar, « Les peintres amateurs augmentés par l’IA « (6 avril 2024) en atteste :
« En août 2022, à Pueblo, aux Etats-Unis, s’est tenue la Colorado State Fair, une traditionnelle foire très prisée des amateurs d’art. Ce qui a marqué les esprits cette année-là, c’est la création intitulée Théâtre d’opéra spatial, qui a remporté le prix de « la plus belle œuvre d’art numérique ». Ce tableau, réalisé à l’aide de l’IA Midjourney, a suscité de nombreux débats sur la légitimité de la création et de son artiste, Jason Allen. De grands nostalgiques des arts plastiques annoncent même à cette occasion sur les réseaux sociaux la mort de l’art. »
Depuis, l’IA n’a cessé de s’imposer comme un outil à part entière dans tous les domaines. Les formations à l’art du prompt – ou de la requête – se multiplient. L’Académie de Versailles propose même des préconisations pédagogiques :
« Avec l’explosion récente des progrès dans le domaine des IA génératives, un nouveau métier a vu le jour : prompt engineer (ou ingénieur de requête). Son travail consiste à écrire des prompts (requêtes) efficients à destination d’intelligences artificielles génératives telles que ChatGPT, Copilot, Gemini ou Midjourney afin d’obtenir le meilleur résultat possible permettant de répondre à un objectif précis. »
Et l’originalité ?
Pourtant, certains s’interrogent ; la question de l’originalité est plus que jamais posée :
« Je n’ai pas vu d’œuvre créée avec l’IA qui soit de nature à bouleverser le jeu référentiel du champ des images contemporaines, argumente l’historien de l’art Paul Ardenne. Quand Monet, Van Gogh, Picasso, ou encore des artistes conceptuels arrivent, ils changent quelque chose, on passe un cran, on passe une étape. Ce que je vois à travers l’imagerie de l’IA, ce sont des choses que j’ai déjà vues. »
La comparaison avec l’art combinatoire des Oulipiens est-elle pertinente ? Le recul manque sans soute pour répondre. Que vont devenir ces « oeuvres » au sens du Code de la propriété intellectuelle ? Pour le moment, les questions de droit d’auteur demeurent cruciales face à ce nouveau champ de productivité artistique et intellectuelle.